Le 16 octobre 2015 sera inauguré le Mémorial de Rivesaltes en
présence de Manuel Valls Premier Ministre. Ainsi que d’autres associations
mémorielles l’Association pour le souvenir de l’exil républicain espagnol en
France (ASEREF) n’y est pas conviée. Ci-dessous une réaction d’ASEREF dont nous
souhaitons que vous fassiez part à vos lecteurs
Mémorial de Rivesaltes, l’arbre qui cache
la forêt
Le mémorial en hommage aux républicains
espagnols « accueillis »
dans des camps de concentration
français reste à bâtir !
Oui, cent pour cent d’accord, cent pour cent favorable à ce
mémorial. Oui, car il porte témoignage des drames des guerres du XXème siècle
et du drame de l’exil qui en est généré.
L’association pour le Souvenir de l’Exil républicain espagnol en
France (ASEREF) considère que la réalisation de ce mémorial est utile pour la
compréhension de ces événements historiques souvent ignorés et occultés dans
les manuels scolaires. Guerre d’Espagne, guerre mondiale, guerre coloniale, il
est utile pour les futures générations de réaliser un tel mémorial.
Tous les exils n’ont pas les mêmes causes, ceux de la guerre
d’Espagne en 1939 sont ceux de combattants antifascistes qui à l’avant-garde
luttaient contre l’avancée des forces fascistes en Europe. Lâchés par les démocraties
notamment l’Angleterre et la France, les républicains espagnols perdaient cette
guerre ballon d’essai du fascisme. La seconde guerre mondiale a bien commencé
en 1936 en Espagne.
L’histoire de l’exil des Harkis après la guerre d’Algérie est
celle de réfugiés harkis que nous respectons, qui participèrent aux côtés de la
France colonialiste aux combats contre l’indépendance de l’Algérie, ils furent
trompés. Que la France ait laissé tomber les Harkis montre bien qu’elle se
moquait des algériens mais qu’elle savait s’en servir à des fins colonialistes.
La France a laissé tomber les Harkis parce que la besogne faite
elle n’en n’avait plus besoin. Pire, elle les a aussi enfermés dans des camps
dans les années soixante, notamment à Rivesaltes. Nous sommes solidaires non
pas de la cause qui a conduit les Harkis à combattre leurs propres frères mais
du combat qu’ils mènent pour leur reconnaissance.
A noter que les associations représentatives des harkis ont obtenu
du gouvernement de la France une journée nationale d’hommage, chose que jusqu’à
présent le gouvernement de la France refuse aux associations de descendants de
républicains espagnols qui demandent une journée nationale afin d’honorer la
mémoire des combattants espagnols qui luttèrent pour la libération de la
France. Demande formulée depuis plusieurs mois auprès du Président de la
République par la coordination nationale des associations de descendants et
amis de l’Espagne Républicaine ¡Caminar !
Ceci étant dit, pour en revenir à Rivesaltes, il y a un mais…
Rivesaltes c’est en 1941, nous sommes sous le régime de Vichy, un régime de
collaboration avec l’Allemagne nazie et ce camp transformé aujourd’hui en
mémorial peut amalgamer l’histoire si nous n’y prenons garde. Non, tous les
exils n’ont pas les mêmes causes, même si le résultat est toujours le
déracinement, la douleur de quitter son pays, le désespoir…
L’exil républicain espagnol en France début 1939 a été accueilli
de façon indigne (un demi-million de réfugiés). Le gouvernement de la troisième
République avec Edouard Daladier (Radical) à sa tête avait alors déjà capitulé
à Munich en 1938 laissant le champ libre à Hitler. Mais tout cela n’était que
le résultat de la politique du gouvernement de Léon Blum, dont Daladier faisait
déjà parti, la politique dite de non intervention prônée avec force par
l’Angleterre. Une non intervention en 1936 qui laissait le champ libre à
Hitler et Mussolini pour agir en Espagne contre la République en prêtant main
forte à Franco et faisant de l’Espagne un terrain d’expérimentation militaire
pour passer dans la phase prévisible, celle de la seconde guerre
mondiale.
Une non intervention prônée parce que les
« démocraties » française et anglaises, voir les mémoires de Winston
Churchill, voyaient dans la guerre d’Espagne une révolution communiste dirigée
depuis Moscou. Un aveuglement qui coûta cher, très cher quelques années plus
tard au monde entier.
Alors, en 1939 la République espagnole livre ses derniers
combats seule face au fascisme international. La République capitule fin mars
1939 mais déjà des fin février le gouvernement Daladier nomme ambassadeur de
France à Burgos auprès de Franco un certain Philippe Pétain.
Début 1939 le gouvernement de la France républicaine avait fait le
choix de Franco contre la République espagnole enfonçant encore un peu plus les
républicains espagnols dans le désespoir comme il avait déjà fait le choix de
la trahison dès 1936 en refusant l’aide à l’Espagne républicaine.
Ces républicains espagnols qui pensaient arriver au pays des
droits de l’homme se retrouvaient enfermés dans des camps de concentrations
français et non dans des camps d’internement comme le disent pudiquement
certains historiens. Les mots ont leur importance.
A Rivesaltes, le mémorial très utile nous le reconnaissons, ne saurait
escamoter une partie de l’histoire occultée par la France. En montrant du doigt
Vichy en 1941 il ne faudrait pas dans le même temps dédouaner le gouvernement
de la troisième République française en 1939 qui porte une énorme
responsabilité dans l’avènement de Vichy. Finalement Vichy n’était que le
résultat logique de toutes les capitulations précédentes. On pourrait
aujourd’hui réfléchir avec l’actualité sur les capitulations d’hier et celles
d’aujourd’hui. Mêmes causes mêmes effets…
Concernant Rivesaltes, ASEREF est favorable à ce mémorial, mais
estime que celui en hommage de l’exil républicain espagnol reste à bâtir. Nous
sommes loin du compte !
Bien implantée dans la région et nationalement, ASEREF, comme
d’autres associations mémorielles, n’a pas été invitée pour l’inauguration de
ce mémorial le 16 octobre prochain. Ce n’est peut-être pas un hasard.
Notre association est représentative de l’exil républicain
espagnol. Les parents ou grands-parents de tous nos adhérents ont été des combattants
républicains espagnols pendant la guerre d’Espagne souvent enfermés par la
suite en France dans des camps de concentration et aussi combattant dans la
résistance en France.
Ils avaient été enfermés dans ces camps indignes où des hommes et
des femmes survivaient à même le sable en février 1939, où des milliers
d’espagnols y laissèrent leur vie sans compter ceux qui ont été renvoyés en
Espagne franquiste par les autorités françaises « républicaines » et
qui sont tombés sous les balles où des suites des tortures.
Oui le gouvernement de la France en 1939 a été complice des
franquistes en livrant les républicains espagnols à Franco. Le gouvernement
français qui n’ignorait pas le sort qui était réservé à ces hommes, femmes et
enfants.
Ces pages de l’Histoire de France restent à écrire. Ces pages
douloureuses pour le peuple espagnol en exil, ces pages honteuses pour un
gouvernement français capitulant face à la montée du fascisme et
« accueillant » l’exil espagnol en ennemi sur le territoire de la
République française, l’ignominie ne commence pas en 1941.
Alors, diluer l’histoire des républicains espagnols dans le
mémorial de Rivesaltes ne suffit pas pour rendre hommage aux républicains
espagnols. La France doit le faire spécifiquement et fortement.
Le cœur de l’Espagne républicaine ne cesse de battre en France
depuis 1939. Les enfants et petits-enfants de cet exil sont aujourd’hui
français respectueux d’une République défendue bec et ongles par leurs parents
et grands-parents en Espagne et en France. Ils poursuivent avec pugnacité
l’engagement républicain qui était celui de leurs parents et grands-parents,
ils inculquent à leurs propres enfants la défense des valeurs de la République,
ils ne lâcheront rien sur cette nécessaire reconnaissance qui met du temps à
venir et avec le Mémorial de Rivesaltes, n’en déplaise, le compte n’y est pas.
Cependant nous descendants de cet exil républicain espagnol,
soutenons tous les pas qui se font dans le sens d’une reconnaissance des exils
des peuples contraints pour diverses raisons à quitter leur pays et
aujourd’hui dans le nécessaire accompagnement solidaire et humanitaire, mais
nous considérons que l’histoire de l‘exil républicain espagnol est toujours
escamotée, occultée.
Même si nous ne sommes pas invités le 16 octobre à l’inauguration
du mémorial de Rivesaltes, ce qui montre le peu de cas que font les autorités
françaises aux descendants et représentants de l’exil républicain espagnol en
France, nous poursuivrons notre juste combat pour la reconnaissance, la justice,
la vérité concernant le peuple républicain espagnol exilé en France qui
contribua à la libération du pays malgré qu’il fût accueilli de façon indigne
par ceux qui capitulèrent dès 1936 en prônant la non intervention en Espagne.
Eloi Martinez Monegal
Président de l’Association pour le Souvenir de l’Exil Républicain
Espagnol en France (ASEREF)
06 62 76 70 31
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