Ses photographies de guerre l'ont rendu célèbre. Robert Capa est une légende. Une légende forgée par Gerda Taro, une toute jeune femme qui fut son grand amour, photo-reporter elle aussi et dont le Jeu de Paume ravive le souvenir pour quelques mois au château de Tours.
Le couple se rencontre à Paris en 1933. Tous deux fuient l'Allemagne nazie. Elle, étudiante allemande d'origine juive polonaise ; lui, juif hongrois banni de son pays pour militantisme de gauche, venu tenter sa chance à Berlin. "Elle est menue, belle, intelligente, élégante, aussi charmante que lui, quoique dans un tout autre genre. Peu après leur rencontre, ils sont déjà inséparables," raconte Cynthia Young, conservatrice des archives Robert Capa à New York.
Engagés
Unis par leur engagement contre le fascisme et leur passion pour la photo, ils vivent et travaillent en symbiose pendant quatre ans. Au-delà de leur histoire d'amour, ils deviennent des partenaires à part entière, qui savent se trouver au bon endroit au bon moment et vont à la rencontre des besoins des éditeurs et des rédacteurs en chef.
Gerda Taro, la photographe photographiée
Wikicommons
Elle a de l'ambition. Lui aussi en veut, mais il est beaucoup plus brouillon dans son approche. Gerta Pohorylle a étudié l'art et la politique en Allemagne. Pour se construire une nouvelle vie, elle a changé de nom - Taro, comme le peintre japonais Taro Okamoto. C'est elle qui décèle chez son compagnon le talent, prend en main sa carrière et démarche les éditeurs. Pour mieux vendre ses photos, elle lui invente un curriculum vitae de grand photographe américain : Endre Friedmann devient Robert Capa.
Lui va mettre son premier appareil photo entre les mains de la jeune femme. Il lui montre comment l'utiliser, lui enseigne les bases de la photo. La carrière de Gerda prend son élan. A l'image de leur couple fusionel, leur travail, lui aussi, dénote un mimétisme, même si Taro semble avoir un sens de la composition plus évolué que le Capa : "Ses photos sont plus structurées - un reliquat, certainement, de ses études du constructivisme russe, à Berlin. Lui, qui n'a pas fait d'études, est davantage dans l'émotion, la chair," explique Cynthia Young.
Lui va mettre son premier appareil photo entre les mains de la jeune femme. Il lui montre comment l'utiliser, lui enseigne les bases de la photo. La carrière de Gerda prend son élan. A l'image de leur couple fusionel, leur travail, lui aussi, dénote un mimétisme, même si Taro semble avoir un sens de la composition plus évolué que le Capa : "Ses photos sont plus structurées - un reliquat, certainement, de ses études du constructivisme russe, à Berlin. Lui, qui n'a pas fait d'études, est davantage dans l'émotion, la chair," explique Cynthia Young.
Femme républicaine à l'entraînement sur une plage de Barcelone, août 1936.
©Gerda Taro
Toujours est-il qu'ils se nourrissent l'un de l'autre. En 1937, bien malin qui saurait faire la différence entre les photos de Gerda Taro et celles de son compagnon. "En aucun cas elle ne photographiait plutôt des enfants ou d'autres femmes. Elle était à fond dans les scènes de combat et les grandes opérations militaires, tout autant que lui ", affirme la conservatrice.
Gerda Taro obtient sa carte de presse quelques mois avant leur départ pour l'Espagne où, dès 1936, tous deux suivent les combats aux côtés des républicains.
Capa y gagnera une reconnaissance mondiale, Gerda restera dans son ombre.
Capa y gagnera une reconnaissance mondiale, Gerda restera dans son ombre.
Si la photo n'est pas bonne, c'est qu'elle n'est pas assez proche.
Robert Capa
Ils sont jeunes. Ils n'ont pas peur de mourir. Alors ils s'approchent au plus près, toujours plus près. Gerda en mourra, écrasée par un char républicain à la bataille de Brunete, en Espagne, le 26 juin 1937.
Notice nécrologique de Gerda Taro dans la revue Ce soir.
©capture d'écran Capa in Love and War
Près de vingt ans plus tard, Capa aussi en mourra, en Indochine, où il saute sur une mine en 1954 (voir photo ci-dessous). Un boîtier couleur et un noir-blanc autour du cou, il suivait les soldats américains sur la route de Nam Dinh à Thai Binh.
Sur la route de Nam Dinh à Thái Bình, Indochine (Viêtnam), en mai 1954. C'est sur cette route que Robert Capa trouve la mort, le 25 mai.
© Robert Capa/International Center of Photography/Magnum Photos
Gerda Taro est la première femme reporter photographe tuée dans l'exercice de ses fonctions. Capa est dévasté. Jusqu’à la fin de ses jours, il prétendra qu'ils étaient unis par le mariage. "Toute sa vie, il n'a cessé de la chercher, constate Cynthia Young.Capa adorait les femmes. Il s'est toujours intéressé à elles comme sujet de son travail," continue-t-elle.
Visage raviné de babouchka ou beauté radieuse dans une station de sport d'hiver, figures anonymes ou célèbres saisies au fil de reportages dans le monde entier, il les photographiait avec le même talent que les soldats le jour du débarquement ou les rebelles en Indochine. "Mais jusqu'à la fin de ses jours, les très belles femmes qu'il photographie ont toutes quelque chose de Gerda - spirituelles, sportives, affirmées, un peu garçonnes. Sa mort a cassé quelque chose en lui ; il ne l'a jamais oubliée," affirme la conservatrice.
Robert Capa et la couleur : l'exposition
C'est un pan méconnu de l'oeuvre du grand reporter de guerre Robert Capa que présente le Jeu de Paume au château de Tours jusqu'au 29 mai 2016. Une oeuvre en couleur, peuplée d'enfants en costumes folkloriques, de vieillards aux joues ravinées, mais aussi de belles oisives et de célébrités boudeuses.
Le travail de reporter qui l’a rendu célèbre à partir de la guerre d’Espagne jusqu’au débarquement en Normandie, en 1944, était en noir et blanc. Mais Capa a aussi travaillé en couleur sur des sujets qui, même s'ils sont traversés par la guerre, portent sur d'autres thèmes, comme les célébrités, le cinéma ou la vie quotidienne dans plusieurs pays du monde. Ses premières productions en couleurs sont 4 photos prises en Chine, en 1938. S'il embrasse cette nouvelle technique, ce n'est pas seulement par goût de la nouveauté, mais aussi parce qu’il a besoin de se réinventer. En 1939, Capa s’installe à New York, nouvelle vie, nouvelle carrière.
Les pellicules couleurs, du fait de leur long temps de pause et de traitement, ne se prêtent pas à l’action et aux scènes qui lui ont valu sa célébrité pendant la guerre. C’est en partie à cause ces contraintes techniques qu’il s’intéresse à des sujets plus statiques et à des compositions plus recherchées. Mais c'est aussi parce que, les Etats-Unis d'après-guerre ne veulent plus de la guerre. Pendant des années, il se consacrera à illustrer le nouveau style de vie américain.
Les vols commerciaux lui permettant davantage de mouvement. Il multiplie les reportages en URSS où il raconte la vie des Russes au début de la guerre froide, en Hongrie, son pays natal, et plusieurs fois en Israël. Il en ramène des photos très politiques, mais destinées à illustrer des pages "voyages" des magazines. Et puis en 1953, il déclare la fin de sa période "glamour" : "Je veux à nouveau prendre des photos de guerre." A la faveur des progrès techniques, il peut retourner à la photo d’action, cette fois en couleur. Jusqu'en Indochine, où il trouve la mort.
C'est un pan méconnu de l'oeuvre du grand reporter de guerre Robert Capa que présente le Jeu de Paume au château de Tours jusqu'au 29 mai 2016. Une oeuvre en couleur, peuplée d'enfants en costumes folkloriques, de vieillards aux joues ravinées, mais aussi de belles oisives et de célébrités boudeuses.
Le travail de reporter qui l’a rendu célèbre à partir de la guerre d’Espagne jusqu’au débarquement en Normandie, en 1944, était en noir et blanc. Mais Capa a aussi travaillé en couleur sur des sujets qui, même s'ils sont traversés par la guerre, portent sur d'autres thèmes, comme les célébrités, le cinéma ou la vie quotidienne dans plusieurs pays du monde. Ses premières productions en couleurs sont 4 photos prises en Chine, en 1938. S'il embrasse cette nouvelle technique, ce n'est pas seulement par goût de la nouveauté, mais aussi parce qu’il a besoin de se réinventer. En 1939, Capa s’installe à New York, nouvelle vie, nouvelle carrière.
Les pellicules couleurs, du fait de leur long temps de pause et de traitement, ne se prêtent pas à l’action et aux scènes qui lui ont valu sa célébrité pendant la guerre. C’est en partie à cause ces contraintes techniques qu’il s’intéresse à des sujets plus statiques et à des compositions plus recherchées. Mais c'est aussi parce que, les Etats-Unis d'après-guerre ne veulent plus de la guerre. Pendant des années, il se consacrera à illustrer le nouveau style de vie américain.
Les vols commerciaux lui permettant davantage de mouvement. Il multiplie les reportages en URSS où il raconte la vie des Russes au début de la guerre froide, en Hongrie, son pays natal, et plusieurs fois en Israël. Il en ramène des photos très politiques, mais destinées à illustrer des pages "voyages" des magazines. Et puis en 1953, il déclare la fin de sa période "glamour" : "Je veux à nouveau prendre des photos de guerre." A la faveur des progrès techniques, il peut retourner à la photo d’action, cette fois en couleur. Jusqu'en Indochine, où il trouve la mort.
Mise à jour 22.12.2015 à 10:14
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