dissabte, 26 d’agost del 2023

Le camp de Villepey, entre Fréjus et Saint-Aygulf

 

Le camp de Villepey n’est – et c’est une honte – recensé nulle part de façon officielle !!!


Il y a entre Fréjus et Saint-Aygulf des étangs (les étangs de Villepey infestés de moustiques l’été et glaciaux en hiver). C’est là que fut installé un camp dit de réfugiés en 1939 pour les familles espagnoles chassées de leur pays par Franco et ses hordes fascistes.


Je ne pourrai pas te dire exactement combien ils furent, ceux qui ont été parqués dans cet immonde camp à ciel ouvert, cerné de fils de fer barbelés, exposés aux morsures du froid et au souffrances de la faim, ni combien y sont morts de dysenterie... Il y avait des hommes, des femme, des vieillards, des enfants...


Je pense qu’il a été, comme bon nombre d’autres camps, fermé au début des années 40. Les prisonniers ont été rapidement « évacués » soit pour retourner en Espagne, soit pour aller travailler ici et là afin de ne pas rester groupés et risquer ainsi d’éventuels débordements de ces « indésirables ».


Mon oncle Roger Landini était allé durant l’hiver 1939 faire un tour près des fils de fer barbelés pour parler à ces hommes « noirs de barbe et de nuit, hirsutes et menaçants » (comme le chantait Aragon). Il mêla italien et espagnol et leur demanda ce qui leur manquait. « Tout » lui répondirent-ils. Il n’y avait ni toilettes, ni eau, ni lait, ni vêtements (alors qu’on était en hiver 1939), ni vivres. Ils survivaient dans des conditions atroces de détention et non de refuge.


Mon oncle Roger retourna alors au village du Muy et demanda à tous de donner quelque chose pour ces pauvres hères. Même les plus pauvres de muyois trouvèrent qui du lait, qui des vêtements d’enfants, qui des vivres. Lorsque mon oncle retourna devant le camp et déchargea son précieux chargement de sa camionnette, les flics FRANÇAIS lui dirent qu’ils allaient distribuer tout cela.


Quelques jours plus tard, il retourna près des fils de fer barbelés pour discuter de nouveau avec les espagnols. Ils lui dirent qu’ils n’avaient rien reçu. La colère de mon oncle Roger fut énorme. Il retourna faire le tour des bourgades (Le Muy, Saint-Raphaël, Fréjus) et de nouveau les plus pauvres des plus pauvres donnèrent sans hésiter le peu qu’ils avaient pour sauver de la mort certaine ces misérables êtres que le gouvernement français avaient parqués comme des bêtes.


Arrivé avec sa vieille camionnette devant la porte du camp, au lieu de s’arrêter devant la guérite des flics qui ricanaient en le regardant s’approcher, il fonça à l’intérieur du camp. Là il sauta de sa portière, ouvrit la porte arrière et commença à décharger son ravitaillement, rapidement aidé par des hommes maigres et fatigués mais qui avaient compris que ce jeune homme (il avait une trentaine d’années) venait leur apporter de quoi ne pas mourir de faim. En quelques minutes, la camionnette fut vidée.


Mais, lorsqu’il retourna vers la sortie, mon oncle fut arrêté, menotté comme un bandit de grand chemin. Le commissaire qui le connaissait le laissa rentrer chez lui (bien qu’il fut dans l’obligation de dresser un procès-verbal (archives) puisque le commandant du camp avait déjà fait une déclaration), mais une dizaine de jours plus tard un mandat d’expulsion fut lancé contre lui (archives). En effet mon oncle n’avait pas la nationalité française (il était né en Italie). Et retourner en Italie pour un communiste en 1939, c’était la mort assurée. Une pétition fut alors signée par 4500 personnes sous l’égide d’Antoine Foucard, candidat communiste en 1936 et Charles Gaou, député communiste depuis 1936 (archives).


Le mandant d’expulsion ne fut pas annulé mais reporté à une date ultérieure. La guerre permettra à la droite de mener la répression contre tous ces dangereux rouges et il n’y aura plus besoin de mandat d’expulsion pour les massacrer sur le territoire français.


 En attendant voici toutes les maigres informations que je peux te fournir sur ce sinistre camp qui n’est même pas répertorié dans les camps du Var faisant ainsi disparaître toutes les victimes, leur souffrance, leur désespoir, les morts, les fils de fer barbelés et la honte qui aurait du être celle de tous ceux qui ont participé à ces horreurs.


 

J’espère néanmoins avoir pu t’apporter un certain éclairage.

Fraternellement

Gilda Guibert