dimarts, 28 de juliol del 2015

Jean Vaz : les enjeux de la mémoire. (Habla Jean Vaz, hijo del exilio, de Memoria Andando ( Decazeville)


http://www.ladepeche.fr/article/2015/05/31/2115060-jean-vaz-les-enjeux-de-la-memoire.html


Entretien

L'exode des Républicains espagnols, appelé Retirada, demeure un drame incommensurable pour les descendants des protagonistes./ Reproduction DDM
L'exode des Républicains espagnols, appelé Retirada, demeure un drame incommensurable pour les descendants des protagonistes./ Reproduction DDM
La conférence organisée par Memoria andando synthétise la raison d'être de l'association, mixant histoire et ressorts mémoriels. Jean Vaz revient sur les points essentiels.
Pourquoi avoir choisi de parler des «enjeux de la mémoire» ?
Lorsqu'on parle «mémoire», on pense d'abord à la mémoire témoignage, à la mémoire hommage, qui sont, bien sûr, nécessaires pour conserver la mémoire du passé et qui s'expriment régulièrement dans le cadre de manifestations commémoratives. Mais elle peut aussi avoir une fonction politique, sociale, culturelle.
Est-ce là le point de départ de votre association ?
Créée en 2002, notre association est née du besoin de sauvegarder la forte empreinte espagnole qu'ont laissée sur le bassin industriel de Decazeville et sur nos propres vies nos parents ou grands-parents, immigrés économiques des années 1910-20 ou exilés politiques de 1939. Mais pour échapper au culte des racines et ne pas s'enfermer dans la célébration figée du passé, nous avons souhaité une «mémoire en marche». Une mémoire qui, certes, rendrait hommage aux luttes et aux valeurs de nos parents mais qui, en revivifiant la langue, l'histoire, la culture, approfondirait le passé en France et en Espagne où précisément la mémoire a souffert d'une longue amnésie de 70 ans.
Il y a beaucoup d'associations mémorielles espagnoles en France ?
Depuis le début des années 2000, il y a eu sur les thèmes de l'exil une explosion de livres, romans, témoignages, thèses, biographies, documentaires… et parallèlement il y a eu comme un besoin vital pour les descendants de se regrouper en associations, non seulement pour sauvegarder cette mémoire-hommage, fondatrice en partie de notre identité, mais pour la partager, la fortifier et lui donner des champs d'action plus larges. Par des colloques, expositions, publications, stèles, commémorations… elles ont beaucoup travaillé pour faire connaître l'histoire des vaincus de la République espagnole. Jusqu'aux années «70», les différentes composantes de l'exil ont maintenu une intense activité culturelle, tout en poursuivant leur aide aux prisonniers politiques et leur participation clandestine à la reconstruction politique et syndicale en Espagne.
Franco meurt en 1975, pourquoi en Espagne parler d'une amnésie de 70 ans ?
Dès 1936 et jusqu'aux années «60», la répression eut un caractère total : les rafles, les disparitions forcées et les exécutions (150 000), les camps de concentration (188), les camps de travail, les prisons, les lourdes peines, les tortures, les viols, les humiliations, la marginalisation… et près de 30 000 bébés volés à leurs mères, prisonnières républicaines.
Pendant presque 40 ans, la dictature franquiste a imposé par la terreur une mémoire officielle avec successivement deux visions de l'affrontement. Première vision, dès 1936 le soulèvement militaire s'est autoproclamé croisade pour rétablir l'ordre traditionnel, chrétien et monarchique ; puis à partir de la fin des années «50», le régime qui s'est imposé à la population par la force des armes se proclame garant de la paix intérieure et donc regarder vers le passé, c'est vouloir son retour. C'est ce cadre d'interprétation de la guerre décrite comme «une folie furieuse» fixé par les derniers gouvernements franquistes des années «60» aux années «76-77» qui prévaudra jusqu'aux années 2000. Et qui explique la loi d'amnistie de 1977 qui assure l'impunité de tout le personnel de la dictature chargé de la répression depuis la guerre, et qui appelle, par le pacte du silence, l'oubli et les pactes de législatures à la réconciliation nationale, et à la naissance d'une nouvelle Espagne qui ne doit plus regarder vers le passé.
Qu'en est-il depuis les années 2000 ?
Le tableau de fond du décor consensuel de la Transition se déchire : la critique virulente des politiques de mémoire de la Transition avec la condamnation du pacte de silence et l'ouverture des fosses communes (plus de 2 000 avec près de 150 000 cadavres mis à jour) rejoint les critiques plus politiques des insuffisances de la démocratie actuelle. Et la loi du gouvernement Zapatero sur la mémoire historique en 2007 ne permettra pas la condamnation officielle du régime franquiste, ni l'annulation des caricatures de procès militaires, ni la réhabilitation des morts, ni la restitution des biens confisqués, ni la dérogation à la loi d'amnistie.