dilluns, 22 de desembre del 2014

L’Hôpital de «La Roseraie»


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Jean-Claude Larronde
Jeudi 4 juillet, en fin d’après-midi, s’est déroulé à Bidart une émouvante cérémonie du souvenir. Après une messe, célébrée par l’abbé Mikel Epalza et chantée par la chorale des anciens Olaeta-Oldarra en présence du Lehendakari Juan-José Ibarretxe, ce dernier salua les stèles discoïdales récemment restaurées des gudaris1936/1937 décédés à l’hôpital aménagé à Bidart par le gouvernement basque.
Au cœur de la guerre faite aux Basques, Jean-Claude Larronde restitua, au cours d’une conférence à l’hôtel Elizaldia, ce moment particulièrement douloureux, mais par bien des côtés exemplaire, de l’hôpital basque de « La Roseraie » à Bidart, dont un résumé est reproduit ci-dessous.
Hospital de La Roseraie, en Biarritz (Lab.) Inicialmente fue construido como casino a iniciativa de Stavisky De toutes les Institutions créées sur le sol français par le gouvernement basque à partir de 1937 pour soutenir ses réfugiés, « La Roseraie » fut certainement la plus importante et la plus réussie. A juste titre, le gouvernement basque en exil put considérer avec fierté et un orgueil légitime cette œuvre qui symbolisait ses capacités d’administration en même temps qu’elle témoignait du profond intérêt qu’il portait à son peuple. L’année 1937 se révéla pour les Basques et pour leur gouvernement autonome fidèle à la seconde République espagnole, le gouvernement d’Euzkadi (constitué le 7 octobre précédent), comme une année noire à bien des égards. La pression des troupes rebelles franquistes ne laissa guère de répit à ce gouvernement.
Malgré leur courage, les combattants basques, les Gudari, privés de toute aviation, avaient été vaincus par la supériorité militaire et surtout aérienne des forces coalisées franquistes, allemandes et italiennes. Le Président du gouvernement d’Euzkadi, José Antonio Aguirre était resté jusqu’au dernier moment à la tête de ses troupes. Il installa aussitôt son gouvernement en Catalogne pour continuer la lutte contre le franquisme. Une des plus importantes conséquences de cette offensive victorieuse franquiste fut l’exil d’une grande partie du peuple basque du sud des Pyrénées.
En même temps que les civils, furent évacués des soldats qui, du fait de la guerre, avaient été blessés ou mutilés. Le 20 août 1937, un bateau sort du port de Santander, en direction de celui de Bayonne avec à son bord 400 blessés ou mutilés. C’est pour les accueillir et les soigner que le gouvernement loua un vaste immeuble promptement aménagé en hôpital à Bidart, quartier d’Ilbarritz, à environ trois kilomètres du centre du village et aux portes de Biarritz. « La Roseraie » de Bidart a symbolisé et symbolise encore l’effort de 1937 à 1940 des Basques vaincus militairement par les forces fascistes, mais non abattus ou résignés.
L’organisation de cet exil fit l’admiration de nombreux observateurs. Le journaliste Pierre Dumas de la Petite Gironde écrivit : « Or, bien rares dans l’Histoire sont les groupements humains qui aient offert de plus beaux exemples de solidarité et d’esprit d’organisation que les Basques obligés d’abandonner leurs provinces… On peut dire que jamais on ne vit un exil mieux organisé ». L’immeuble que le gouvernement basque choisit pour installer l’hôpital pour gudariblessés ou mutilés avait été jusqu’alors le siège d’un grand hôtel. L’Hôtel de « La Roseraie » avait été construit en 1927-1928 par l’architecte Joseph Hiriart. Cet hôtel a été qualifié de « plus bel ensemble Art Déco de la Côte Basque ». L’hôtel paraissait promis à un brillant avenir. Mais la crise économique de 1929 va ruiner ce magnifique ensemble. « La Roseraie » ne se révèle pas une affaire rentable et doit définitivement fermer ses portes.
Mutilados del Hospital de La Roseraie A l’hôpital, il y a pour l’année 1938, en permanence une moyenne de 240 patients avec un maximum d’un peu plus de 300 blessés ou malades en même temps. Les services médicaux et administratifs employaient au total de 70 à 80 personnes. Il est à noter que le personnel était entièrement basque. Si tous les services médicaux fonctionnaient normalement et étaient dignes d’un hôpital tout à fait moderne, une mention spéciale mérite d’être réservée à la section de maternité et de dispensaire pré-natal. « La Roseraie » devint surtout le lieu d’accouchement de toute la population originaire du Pays Basque péninsulaire réfugiée en Pays Basque continental. J’ai dénombré dans les registres des Archives communales de Bidart 143 naissances à « La Roseraie ».
Cet établissement hospitalier n’aurait pas acquis la réputation qui a été la sienne, ni laissé un souvenir présent dans la génération basque de l’exil s’il avait été seulement un hôpital. Ce fut bien plus que cela, ce fut un lieu ou se soignèrent, se cultivèrent, vécurent et oublièrent les horreurs de la guerre, plusieurs centaines de Basques péninsulaires réfugiés.
En effet, « La Roseraie » fut aussi un centre de vie fonctionnel. Les ateliers de rééducation créés en janvier 1938 se proposaient de rééduquer les invalides et de les réadapter à des professions ou métiers anciens ou nouveaux. Les ouvriers travaillaient 6 heures par jour, étaient logés et nourris et recevaient un salaire. Le nombre des ouvriers augmenta rapidement pour atteindre 142 en décembre 1938. Les visiteurs ne manquaient pas d’être étonnés de voir les mutilés fabriquer leurs propres instruments orthopédiques : « Comment ne pas être surpris de voir les mutilés construire pour eux-mêmes les membres dont ils manquent ? » s’interroge par exemple le journalEuzko Deya.
« La Roseraie » était aussi un centre d’enseignement pour ses résidents. L’enseignement était dispensé dans un but pratique ; il devait être efficace pour la vie professionnelle.
« La chorale de ‘La Roseraie’ », ou selon son appellation officielle « La chorale des blessés et mutilés de guerre d’Euzkadi » a largement contribué à la réputation de l’hôpital et est restée dans beaucoup de mémoires. Les habitants de Bidart en particulier ont gardé le souvenir des prestations de cette chorale, soit à l’église pour les fêtes religieuses, soit sur le fronton de la place de Bidart, soit devant la mairie, prestations toujours gratuites. Le spectacle de ces belles voix sortant de corps éclopés, et mutilés était particulièrement émouvant et ne laissait personne indifférent.
Jose Antonio Aguirre, à qui les mutilés offrirent un concert lors de sa visite, relata : « Le jour où j’ai visité « La Roseraie », la chorale des mutilés a chanté en mon honneur. Peu de fois dans ma vie, j’ai senti une émotion plus profonde. Ils chantaient leur Patrie martyrisée comme leur corps ».
La vie religieuse était présente, avec un aumônier qui disait les messes dans une chapelle. Comment pourrait-il en avoir été autrement ? José Antonio Aguirre écrivit : « … Car le peuple basque émigra avec ses croyances et avec ses prêtres. Ces derniers aussi étaient fils du peuple et ils suivirent le destin des persécutés dans l’exil comme devant le peloton d’exécution ». La messe dominicale rassemblait beaucoup de monde, y compris des bidartars des environs.
Aucun incident avec la population locale n’est apporté par les témoins de l’époque : au contraire, le maire de Bidart Michelena déclara : « Que depuis un an environ que vivent parmi nous les réfugiés basques de la colonie d’Euzkadi, il n’a reçu aucune plainte contre eux. Que leur tenue a toujours été au-dessus de tout éloge tant de sa part que de la population. Que leurs rapports avec l’administration ont toujours été empreints de courtoisie et du respect de nos lois ».
Au début de l’année 1939, l’évacuation de la Catalogne rendit nécessaire l’aménagement d’une annexe de l’hôpital.
En mai 1939, le ministre de l’Intérieur de la République française donna son autorisation pour l’installation d’une annexe à « La Roseraie », dans le château d’Ilbarritz qui ne se trouvait qu’à 100 mètres de là. Il s’agissait d’un vaste et magnifique château construit en 1897 par le baron Albert de l’Espée. Ce centre était prévu pour 1200 personnes. En fait, très vite, 230 personnes y résideront en permanence.
Cuerpo médico del Hospital de La Roseraie. De izda. a dcha.: Dr. Garaigorta, Dr. Otxandiano, Dr. Aranguren, Dr. Astorki, Dr. Pereiro, Dr. Aguirretxe Mais il était dit que les réfugiés verraient une nouvelle guerre, mondiale celle-là. Au moment de la déclaration de guerre de la France et de l’Angleterre à Hitler, le 3 septembre 1939, il n’y eut aucune hésitation, ni équivoque de la part du gouvernement basque ; celui-ci se rangea dès le premier jour, du côté des Alliés. Par la suite, beaucoup de réfugiés de « La Roseraie » connaîtront le camp de concentration de Gurs, de sinistre mémoire, à l’occasion de la rafle qui eut lieu du 18 au 25 mai 1940.
Le 22 juin 1940, les représentants de la France et de l’Allemagne signent la convention d’armistice. Les combats cessent le 25 juin et deux jours plus tard, les troupes allemandes occupent la Côte Basque. Ces dernières prennent possession immédiatement de l’hôpital, vidé de ses anciens occupants. Le drapeau à croix gammée remplace l’ikurrina. L’hôpital de « La Roseraie » avait vécu.
Et pourtant, il demeurait dans le cœur de ses anciens résidents et de beaucoup d’habitants de la Côte Basque, dont de nombreuxbidartars. Plus que du luxueux palace, ces derniers se souvenaient de l’ancien hôpital, où ils avaient vu, dans la période difficile et troublée allant d’août 1937 à juin 1940, plusieurs centaines de personnes, qu’ils avaient reconnu être Basques comme eux, vivre dans la souffrance et dans le malheur certes mais surtout dans une impressionnante dignité qui les grandissait à leur yeux. Le souvenir de ces hommes meurtris, éclopés, dotés de merveilleuses voix –qui dans leur détresse, chantaient des chants d’amour, de liberté, d’espoir et même de joie et chez qui, dans leurs conversations, ne venait jamais une phrase de haine- est resté à jamais gravé dans leur mémoire. Aujourd’hui plusieurs noms de réfugiés, hommes et femmes, tous décédés à « La Roseraie » perpétuent sur des stèles discoïdales au cimetière de Bidart, le souvenir de cette époque.
A l’orée du XXIème siècle, en faisant restaurer ces stèles et honorer la mémoire des résidents de « La Roseraie », le gouvernement basque rend hommage à une génération exemplaire, dont nous devons tous nous attacher à être les dignes héritiers.

Jean-Claude Larronde, membre d'Eusko Ikaskuntza - Société d'Études Basques
* Jean-Claude Larronde, La Roseraie.ko OspitaleaL’Hôpital de « La Roseraie », El Hospital de « La Roseraie » 1937-1940. Editions Bidasoa, 2002, 167 p. 12 Euros(RETOURNER)
Argazkiak: Enciclopedia Auñamendi